Les sept merveilles du monde – volamilags vel

volamilagsVel

La Volapükatid de Colling reproduit l’extrait ci-dessus, tiré de la Volapükabled. Comme le texte m’a coûté quelques efforts à déchiffrer j’ai pensé utile de l’expliciter.

Vol: le monde, milag: le miracle, ici la merveille, et comme vola est un génitif, et que milags porte un s du pluriel: les merveilles du monde. Les nombres sont comme des adjectifs et viennent en général après le mot qu’ils complètent; ici vel: sept, donc: Les sept merveilles du monde. Voilà pour le titre. Le chapeau maintenant.

Al milagis vola bäledik numon atis vel

Al est la préposition qui souvent, introduit ce qu’on mettrait au datif. Souvent al:au, en français. Ici, la construction est al+accusatif de mouvement, donc: à mettre parmi, ou quelque chose de ce genre. Milagis vola, ont été vus plus haut. Le mot suivant est bäledik, je sais, on ne reconnaît pas bien les lettres à tréma sur la photo, parce que Colling n’utilise pas les ä, ö, ü normales mais les lettres spéciales inventées par Schleyer. Ça veut dire: ancien, antique. Ici, cet adjectif (-ik) complète vola, du monde. Donc: du monde antique. Numon: L’infinitif est numön, le verbe est ici à la 3ème personne, et je pense qu’il faut comprendre en l’espèce: on dénombre. Le volapük rénové aurait mis numoy pour rendre le on français. Atis: At+i+s, soit: ce démonstratif+accusatif+pluriel. Et vel=7 comme vu plus haut. En collant les bouts: à mettre parmi les merveilles du monde antique on dénombre ces sept. Ou en polissant un peu: On portera au nombre des merveilles de l’Antiquité les sept que voici. Et comme on porte quelque chose, les éléments de la liste sont à l’accusatif, avec un i pour chacun.

1. piris ägüpänik: Les pyramides (pir) égyptiennes (c’est un vrai adjectif, si l’auteur avait voulu dire d’Égypte il aurait mis Ägüpäna). Comme Ägüpän commence par une voyelle, ce nom a été régularisé par de Jong sous la forme: Lägüptän.

2. gadis lagöl Babülon’a: L’apostrophe bizarre est là je pense pour rendre clair le fait que le a de Babülon’a est un génitif, et que l’on n’a pas affaire à un nom propre Babülona. Gads: sont les jardins, comme l’anglais garden mais sans horrible r. Pour dire suspendus, participe du verbe suspendre, nous avons besoin de connaître la traduction de ce verbe. En anglais ou en allemand suspendre se dit to hang, ou hängen. Avec un fâcheux h initial, qui compte pour du beurre, ce qui nous donnerait un mot commençant par une voyelle, fâcheux aussi: On colle donc un l initial. Cela pourrait donner *langön. Mais le *ng ne fait pas partie de la liste de sons approuvés du volapük, alors on s’en débarrasse aussi en ne gardant que le g. Le verbe suspendre est lagön. Son participe est lagöl. Et pourquoi les jardins suspendus ne sont pas gads lagöls? Parce que le participe se comporte comme un adjectif, ici il suit immédiatement le substantif auquel il se rattache, il n’est donc pas nécessaire de répéter ni le cas ni le nombre. Gads lagöl suffit. Donc: Les jardins suspendus de Babylone.

3. Dianatemi in Efesus: Diana est le génitif de Dian, en français Diane ou Artémis, déesse de la chasse. Tem est le temple. On a donc le temple de Diane à Éphèse.

4. ködabakolümi Yupiter’a in Olümpia: köd est la sculpture, d’après Schleyer. Ce mot semble avoir davantage le sens de gravure, dans les dictionnaires plus récents. La sculpture au sens de statue, est magot, qui est une illustration (magod), au carré (terminant par –ot au lieu de –od). Pour ködab avec le –ab, je l’ai trouvé ici, dans le sens de statue, Standbild. Kolüm: Colonne. Donc ködabakolüm: La colonne de la statue. Yupiter’a: De Jupiter, in Olümpia: à Olympie. Savoir qu’un allemand comme Schleyer prononce le y comme un ü aide à deviner que certains ü du volapük sont des y en français.

5. mausoleumi in `Alikarnas: J’ai presque envie de ne rien dire sur celle-là tellement ça ressemble de manière si transparente au mausolée d’Halicarnasse. Mais je ne vais pas laisser filer l’occasion de prérorer au sujet du `. Sur mon clavier je met une apostrophe inverse, mais dans l’esprit de Schleyer, frotté de grec et de latin, il s’agit d’un spiritus asper, ou esprit rude pour les francophone grécisants, dont l’héroïque phalange se réduit comme peau de chagrin, malheureusement, ce qui m’oblige à expliquer ce dont il s’agit: C’est une expiration suffisemment forte pour que les Romains, lorsqu’ils se sont mis à emprunter des mots aux Grecs pour les mettre à leur sauce, se soient senti obligés de la représenter par un h. C’est même d’ailleurs tellement fort que pour les mots ayant une origine commune, on trouve souvent un s en latin. L’exemple canonique est SUPER=`YPER (qui a donné le préfixe hyper-). Inutile de dire que le spiritus asper de l’helléniste Schleyer a suivi le même chemin que son homologue grec, et que depuis la publication de la volapükatid(1887), mais bien avant la révision de M. de Jong (les années 1920-1930), ces fantaisies graphiques ont été remplacées par un h plus ordinaire.

6. gianaködabi de Rodos: Bon, ködab est maintenant connu comme étant statue. De Rodos, de Rhodes (Le volapük de Schleyer n’a pas poussé le vice à demander parfois un esprit rude sur les r; ici tout helléniste qui se respecte en mettrait un, même la langue de Molière met un h). Gian: Comme le français géant et comme l’anglais giant. Donc: la statue géante de Rhodes, ou, puisque c’est le terme consacré, le colosse de Rhodes.

7. Fari in Alexandria. Le phare d’Alexandrie, aucune difficulté. On relèvera que Schleyer n’a pas été aussi buté que Zamenhof. Il répète autant de fois que possible que “un son=une lettre”, mais pour le x, aucun remors à le laisser tel quel. Pourtant l’Antiquité savait déjà qu’il s’agit de deux sons groupés dans une consonne double (et pour la versification, par exemple, considérait logiquement la voyelle précédent le x ou le ksi comme une longue). Zamenhof aurait écrit sans hésiter: Aleksandria, non mais. Pas de x. Quand on a des principes on s’y tient. Mais non, je rigole, les principes sont faits pour être foulés aux pieds: L’espéranto a des ĉ et des ĝ qui sont des tch comme dans atchoum et des dj comme dans djinn.

Pas mal. On a glosé pendant deux trois pages sur un texte qui tiendrait sur une feuille de papier à cigarette. C’est que c’est profond le volapük.

Glidis!

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